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Texte intégral

1Le nom des Macénites est bien attesté : Μαϰανĩται, Ptolémée IV, 1,5, Μαϰεννĩται, Dion Cassius 73, 13, 3-5 ; gén. Macennitum IAMl. 384 en 172-172-175 ; Macenites, Itin. Antonin 2 ; quelquefois déformé, Salamaggenites / Alamaggeil/ Salamagai, Iulius Honorius GLM p. 54 ; Massennas, Liber generationis, GLM p. 167. Leur histoire ne commence qu’avec Ptolémée, dont la documentation est postérieure à 100 et antérieure à 110, et leur préhistoire ne peut faire l’objet que d’hypothèses. Leur nom est construit sur le radical MK-comme celui d’un peuple du Dahra et de l’Ouarsenis (Maccues), et comme celui des Maces* de Tunisie et de Libye. L’élargissement-n-les rapproche de fractions de Makkoioi, les Mukènoi ou Moukounoi (Ptolémée IV,2,5) dont ils se sont peut-être séparés à une époque inconnue. Le suffixe-ites, qui appartient aussi à des peuples anciennement attestés (Lixites, plus tard Lixitani ; Métagonites, Auschites) suggère qu’ils étaient constitués en peuple bien avant Ptolémée, ce que celui-ci indique, puisqu’il trouve les Macénites attribués à la province de Maurétanie Tingitane. Ils auraient pu être concernés par la réorganisation des provinces de Sextus Sentius Caecilianus en 75 (IAMl 126 et 415), faire partie de l’ingens numerus maurorum qui a soutenu Lucceius Albinus en 68 (Tacite Hist. II, 68), être attribués à la Tingitane dès que Claude a créé la province en 42, et sans doute faire partie de ces peuples « moins errants » (minus uagi) du Maroc maurétanien décrits par Pomponius Méla (III, 107), qui doit entendre par là qu’il existe des peuples aux mœurs pastorales, mais au territoire déjà fixe. Dion Cassius dit que les Macénites se trouvent « au voisinage » de la Maurétanie « d’en bas », la Mauretania Inferior, qui est une autre façon de désigner la Tingitane (Pline V, 51), pensant donc que les Macénites sont aux limites extérieures de la province, ce qui pouvait être vrai du point de vue des militaires qu’il évoque dans ce passage, mais non du point de vue administratif, pour lequel Ptolémée est évidemment mieux renseigné.

2Si discutée que soit la répartition des peuples énumérés par Ptolémée sur le territoire de la Tingitane, il est clair qu’il parle d’un peuple du sud-est de la province. Il imagine certainement qu’ils sont le dernier peuple de la province, voisins de l’allogène « Libye Intérieure ». Nous concluons de Iulius Honorius qu’ils sont approximativement sur le parallèle de Sala, si à l’origine de son mot Salamagennites était une carte où les deux mots voisinaient. Grâce au renouvellement du traité avec les Baquates qui inclut les Macénites en 172-175 (IAMl 384), nous savons qu’ils sont contigus aux Baquates, eux-mêmes plus proches de Volubilis que de n’importe quelle grande ville. Les Baquates étant également contigus aux Bavares de Césarienne, les Macénites n’ont pu être qu’au sud de ce bloc, ce que confirme l’ordre de l’énumération de Ptolémée. Comme ils sont représentés à Volubilis en 172-175 par le princeps des Baquates, il est inutile de penser que les Baquates sont alors sous la domination des Macénites, ni d’aller imaginer quelque incursion ou rébellion de leur part. En revanche, on peut supposer que quand ils étaient indépendants des Baquates, ils rencontraient plutôt le procurateur en tournée à Sala qu’à Volubilis, autre explication possible du Salamaggenites de Iulius Honorius. Quant au « fleuve Macenat (qui) coule du sud au nord vers la mer sur six journées de marche à travers le pays des Berghouata » (El Bekri, p. 314 De Slane), il peut être, si nous admettons que l’orientation indiquée est erronée, un des fleuves de la plaine atlantique qui viennent des piémonts et traversent le Tamesna.

3Vers l’est, les Macénites, dit Dion, touchent à l’Atlas. Leur situation, et les obligations de traités dont nous ne savons rien, sinon qu’ils ont existé, grâce au témoignage volubilitain, ouvraient sans doute aux patrouilles et aux expéditions romaines l’accès au Moyen-Atlas, ou au moins à ses piémonts. On n’oublie pas non plus que la montagne marocaine fournissait à la plaine de la pierre (en particulier volcanique), le bois d’œuvre qui lui manquait, et sans doute des compléments alimentaires. A cette latitude, on peut penser que le territoire macénite s’étendait plutôt jusque vers la ligne de partage des eaux que vers la Moulouya* et la frontière théorique de la Césarienne.

4La notoriété des Macénites explique probablement que la Tingitane soit, pour l’Itinéraire Antonin, dont la documentation se constitue dans la pleine époque des traités avec les gentes, le pays des Bacuates et Macenites barbari, le mot de barbari visant les mœurs des peuples, et non une quelconque insoumission. La Chronique de Saint Hippolyte (version H1 en 234-5 ; H2 avant 334) n’a cependant pas enregistré leur nom, mais quelque autre document, perdu pour nous, le connaissait, à partir duquel il s’est introduit (Massennas) dans un apographe de H2, le Liber Generationis.

5Vers 285, Volubilis sort de la zone d’administration directe de Rome, mais celle-ci conserve Sala. Il est donc bien probable qu’on n’y oubliait pas les Macénites, et on ne s’étonne pas que Iulius Honorius, au IVe siècle ou au début du Ve en fasse mention, d’après une source évidemment plus ancienne. Puis nos informations se tarissent sur la montagne et ses piémonts. L’histoire renoue son cours avec les Idrissites, mais nous ne trouvons pas de souvenir des Macénites parmi les peuples qui font allégeance à Idris Ier vers 790 (Ibn Khaldoun, I, p. 290 et II, p. 559 De Slane), non plus que dans la documentation que nous possédons sur le sort du domaine idrissite à la mort d’Idris II, en 213/828 (Ibn Khaldoun, II, p. 563-5).

6En revanche sont attestés les Miknasa. Ils ont occupé diverses régions : le bassin de la Moulouya depuis sa source, Mellila, Taza, où on les rencontre encore aujourd’hui à Meknassa Tahtania et Foukania, et les Tsoul (Ibn Khaldoun I, p. 259-260). Ils fondent Sijilmassa en 757-8 (Ibn Khaldoun p. 261), et Meknassa ez-Zeitoun, Meknès des Oliviers, avant 828, puisque, d’après Ibn Rahmûn (Les Généalogies chérifiennes, Archives Marocaines III, 1905, p. 229), Ahmed, fils d’Idris II, est investi par son frère Mohammed du gouvernement de Meknès, à la suite donc du premier partage du domaine idrissite, en 213/828 (la nouvelle répartition se situera en 234/848). Il est probable que le domaine des Miknasa, dans la région de Meknès au moins, ait partiellement coïncidé avec l’ancien pays Macénite. Mais l’homonymie très approximative des Macénites antiques et des Miknasa médiévaux, venus du lointain nord-est, ne suffit pas (malgré l’avis de nombreux commentateurs) à donner à Meknès des origines macénites (Cf. Note linguistique complémentaire de S. Chaker). Bien que nous ne sachions rien des limites des territoires, il est probable que l’ancien domaine des Macénites, qui touchait aux Salenses à l’ouest, aux Baquates au nord, probablement au Moyen-Atlas à l’est, et qui bordait au sud l’univers gétule, était plus vaste que celui des Miknasa de Meknès, si on pense que le territoire concédé à Ahmed ben Idris ne devait pas être très étendu, et si on déduit du nom de « Meknès des Oliviers » que son terroir était un grand verger.

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Bibliographie

Riese A., Geographi Latini Minores (GLM), Heilbronn 1878 et Hildesheim 1964 ;

Desanges J., Catalogue des tribus africaines de l’Antiquité classique à l’ouest du Nil, Dakar 1962, p. 33-34.

Modéran Y., Les Maures et l’Afrique romaine (IVe-VIIe siècles), Rome 2003.

Rebuffat R., « Les gentes en Maurétanie Tingitane », Antiquités africaines 37, 2001 (2004), p. 23-44.

Rebuffat R., « Les Maces, notes d’onomastique ethnique », L’Africa romana XVI, 2004 (2006), p. 403-444.

Senna A., “I Romani sull’Atlante in Cassio Dione”, L’Africa romana XVI, 2004 (2006), p. 445-451.

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Pour citer cet article

Référence papier

R. Rebuffat, « Macénites »Encyclopédie berbère, 30 | 2010, 4457-4459.

Référence électronique

R. Rebuffat, « Macénites »Encyclopédie berbère [En ligne], 30 | 2010, document M05a, mis en ligne le 17 septembre 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/encyclopedieberbere/382 ; DOI : https://doi.org/10.4000/encyclopedieberbere.382

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Auteur

R. Rebuffat

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